En 1981, au beau milieu de l'effervescence post-punk et de la mode des BD rock, surgit un drôle de groupe nommé Les Closh. Difficile de faire plus parodique : nom évident clin d’œil aux Clash, look approximatif, et postures de rockeurs de banlieue un peu cramés. Derrière cette farce musicale et graphique, on retrouve deux figures incontournables de la BD française des années 80 : Dodo (Dominique Niccoli) au scénario et Ben Radis (Rémi Bernardi) au dessin.
Leur première apparition, c’est dans Métal Hurlant, haut lieu de la BD indépendante et expérimentale, où ils développent sur plusieurs planches les mésaventures burlesques de ce groupe fictif aux ambitions limitées et aux riffs discutables.
Mais Les Closh, ce ne sont pas seulement des planches à bulles : ils sortent aussi un vrai disque, un 45 tours chez Les Humanoïdes Associés, avec en face A : "Toutes ces filles".
Un tube ? Pas vraiment. De la variété rock dans la lignée du Denis' Twist qui a cartonné quelques années avant et dans lequel Dodo et Ben Radis ont déjà œuvré. Le titre balance entre rock à la française et second degré assumé. Une ligne de basse sautillante, des chœurs idiots, une guitare hachée. Le tout baignant dans une ambiance de fausse drague et de vraie loose : “toutes ces filles… qui veulent pas de moi.”
"Toutes ces filles", c’est Les Closh résumés en trois minutes : un mix de rock de garage en carton-pâte et de chronique sociale rigolote, à l’image de la BD dont il est le prolongement sonore. On sent que Dodo et Ben Radis ne prennent rien au sérieux – et surtout pas eux-mêmes – mais qu’ils savent parfaitement capter un certain esprit d’époque : une jeunesse un peu paumée, gavée de rock et de slogans, qui rêve de scène et finit au bistrot.
Le disque, aujourd’hui presque oublié, se trouve parfois sur Discogs ou dans les bacs des disquaires spécialisés. Un bel objet pour collectionneur, avec une pochette évidemment illustrée par Ben Radis lui-même. Les Closh poursuivront leurs aventures sur papier jusqu’en 1993, avec six albums au total, dont le génial "Les Closh au flop 50" (1989). Mais pour les amateurs de crossover BD-musique un peu déglingué, "Toutes ces filles" reste un artefact parfait de cette époque où un groupe pouvait exister à la fois en vinyle et en cases.