En direct de Bordeaux, voici Stalag fondé en 1979. Proche des fameux Strychnine (dont j'ai déjà parlé ici-même), Stalag tournera beaucoup pendant 4 ans (plus d'une centaine de concerts) avant de se séparer. Ils laissent un single autoproduit publié en 1981 et plusieurs compilations post-mortem regroupant l'ensemble de leurs enregistrements. Ils se reforment en 2005 pour un mémorable concert. Voici la face A de leur single sorti en 1981.
Stillers
En 1982, dans la petite ville de Créon, au cœur de l’Entre-deux-Mers, quatre gamins sortent un disque qui deviendra culte pour les amateurs de punk français : "Rock Rural". Le groupe s’appelle Stillers et, derrière ce nom, on trouve Pierre Lascourrèges au chant, Régis Canadas à la guitare, Christian Pin à la basse et Patrick Phénix à la batterie. Formés en 1979, ils font partie de cette scène bordelaise hyperactive qui, au tournant des années 80, a vu émerger une poignée de groupes aujourd’hui mythiques : Stalag, Strychnine, Stilettos, Gamine… Bordeaux n’était peut-être pas Londres, mais dans les caves et les bars de la ville, ça bouillonnait fort.
À l’époque, la scène punk bordelaise a une particularité : elle est organisée autour d’une poignée de labels, de squats et de fanzines qui se connaissent tous. La boutique New Rose à Paris sert de plaque tournante pour diffuser les disques en dehors de la région, et des labels comme Poison Noir font le lien entre les groupes et le reste du pays. C’est sur ce label que sort "Rock Rural" en 1982, dans un pressage limité à 1 000 exemplaires. L’enregistrement a été réalisé en deux jours seulement, au studio Sequana, à Choisy-le-Roi, en plein mois d’août. Pas le temps de fignoler : six morceaux, dix minutes de musique, tout est expédié avec une énergie brute et un son franchement crade, mais totalement assumé.
L’originalité des Stillers, c’est qu’ils ne cherchent pas à copier les Londoniens ou les Parisiens : ils parlent de leur réalité à eux. Le morceau titre, "Rock Rural", donne le ton : pas question de singer la ville ou le Marais, ici on raconte les bals de campagne, les bars du coin, les bastons du samedi soir, les virées en mob et l’ennui provincial. Les textes sont pleins d’humour vachard, et on sent derrière tout ça une vraie tendresse pour ce monde rural que le groupe connaît par cœur. Même la pochette est un clin d’œil : la photo vient de Hara-Kiri, et, pour pouvoir l’utiliser, le groupe aurait troqué une caisse de vin local avec la rédaction.
Autre détail savoureux : le chaos règne jusque dans les titres. Entre la pochette et les étiquettes du vinyle, rien ne correspond vraiment. "Oï Oï" devient "Bats toi", "Spasmes" se transforme en "Spasme", "Disco le soir" change en "Disco ce soir"… Ce joyeux bordel, c’est presque une marque de fabrique. Et malgré cette approche bricolée, le disque circule bien : Poison Noir le distribue jusqu’en Angleterre via le réseau New Rose, ce qui permet aux Stillers de dépasser un peu leur Gironde natale.
Aujourd’hui, "Rock Rural" est devenu un petit graal pour les collectionneurs. Son côté rare, son humour, son énergie primitive et son ancrage local en font un témoignage unique de ce que pouvait être le punk en France au tout début des années 80 : spontané, libre, bricolé, et surtout très personnel. Dans un paysage où la plupart des groupes rêvaient de Londres ou New York, les Stillers ont choisi de revendiquer leur identité : celle d’un punk des champs, joué entre les vignes et les routes départementales. Et c’est précisément pour ça qu’on s’en souvient encore aujourd’hui.