En 1978, un 33 tours 17 cm au titre improbable, Washing The Defectives, sort sur le petit label Pious Records (référence JP 310). Sur la pochette figure le nom d’un groupe tout aussi étrange : The Beatles Costello. Tout laisse penser à une plaisanterie de musiciens en roue libre, et c’est sans doute bien ce que c’était. Le nom, contraction ironique entre les Beatles et Elvis Costello (qui est alors à la pointe de la branchitude), annonce la couleur : un projet parodique, un jeu de studio plus qu’un vrai groupe.
L’EP aligne quatre titres — Soldier of Love, I Feel Fine, Theme From a Summer Place et Out of Limits — tous des reprises exécutées avec un sérieux approximatif et un plaisir manifeste. C’est d’ailleurs cette reprise du classique surf Out of Limits qui m’a attiré vers ce disque, curieux de voir comment un tel morceau, symbole d’une époque et d’un son si précis, pouvait être réinterprété par un groupe au nom aussi facétieux. Le résultat, à la fois maladroit et sincère, trahit un véritable amour pour la musique instrumentale des sixties, même sous le vernis de la parodie.
Selon les quelques blogs et bases de données qui en gardent la trace, le disque est un ovni, à la frontière de la blague musicale et du pastiche pop. Le blog Shotgun Solution note même : « I’m guessing this record wasn’t meant to be taken very seriously. »
Derrière cette plaisanterie se cachent pourtant quatre musiciens plutôt chevronnés : Andy Paley, Chuck Chaplin, Eric Rosenfeld et Jim Freeman. Andy Paley, surtout, n’était pas n’importe qui. Avec son frère Jonathan, il avait fondé The Paley Brothers, formation de power pop élégante signée chez Sire Records, avant de devenir producteur et compositeur reconnu. On lui doit des collaborations avec Brian Wilson, Jerry Lee Lewis ou encore NRBQ, ainsi que de nombreuses musiques pour le cinéma et la télévision, de Dick Tracy à SpongeBob SquarePants. Son goût pour la mélodie, l’humour et les projets atypiques trouve ici une sorte de laboratoire miniature.
Eric Rosenfeld, parfois crédité sous le surnom ironique de « Slowhand », est mentionné comme guitariste principal. Il aurait joué dans The Sidewinders, groupe de Boston dans lequel passa un temps Billy Squier. Jim Freeman, à la batterie, semble avoir été un musicien de studio, tandis que Chuck Chaplin, au piano, complète l’ensemble avec une touche plus lounge. Peu d’informations subsistent sur eux, mais leur présence dans un tel enregistrement donne une idée de l’atmosphère : des amis, probablement rassemblés autour d’Andy Paley, enregistrant un disque pour rire, avec une vraie compétence musicale mais sans autre ambition que celle de s’amuser.
Washing The Defectives ("Laver les défectueux") n’a pas eu de suite, ni même de véritable distribution : un tirage modeste, quelques exemplaires qui circulent encore entre collectionneurs, et des mentions perdues sur des sites de disques rares. Pourtant, cet objet mérite qu’on s’y arrête. Il capture un moment très précis de la fin des années 70 — celui où la pop intelligente, la new wave naissante et le second degré cohabitaient joyeusement.
Quarante ans plus tard, ce petit vinyle reste une curiosité attachante : un canular de musiciens brillants, une blague pleine d’amour pour la pop, et une preuve que même les projets les plus légers peuvent laisser une trace durable dans les marges de l’histoire musicale.