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Madame Bovary

Au milieu des années 80, dans une France encore marquée par la cold wave et les premiers pas de l’électro indépendante, un groupe toulousain du nom de Madame Bovary se fait remarquer avec un 45 tours intitulé Be My Friend. Sorti en 1986, ce single ouvre la voie à une aventure musicale à la fois exigeante et singulière, où les machines prennent une place centrale sans jamais étouffer l’émotion. Après quelques années de concerts et d’expérimentations, Madame Bovary publie en 1991 le mini-album Leave the Kids Alive, suivi de Mind the Step en 1992, un disque plus abouti, qui marque leur maturité artistique.

Basé à Toulouse, le groupe s’inscrit dans le collectif Creative Action for Satisfaction (C.A.F.S.), un réseau d’artistes et de musiciens investis dans la promotion des musiques électroniques et alternatives. Autour de ce noyau gravite une scène dynamique qui comprend, entre autres, Poésie Noire, Cassandra Complex, Dritte Krieg ou Insekt. Ce collectif ne se contente pas de produire des disques : il organise aussi des concerts, des festivals et publie via son propre label, Creative Action Records, distribué à l’époque par Le Silence de la Rue. Le festival L.I.G.H.T., organisé par le C.A.F.S., devient rapidement un point de ralliement pour les amateurs d’électro, de new wave et d’expérimentations sonores venues du sud de la France.

Dans les entretiens accordés à l’époque, Madame Bovary revendique une musique fondée sur la tension entre douceur et dureté — un « concept doux-dur » — où la technologie devient un instrument de sensibilité. L’énergie du trio, sur scène comme en studio, repose sur une complémentarité solide : batterie, machines et synthétiseurs se mêlent pour créer une matière sonore dense, rythmée, toujours en mouvement. Leur électro rythmique, précise et nerveuse, n’oublie jamais la mélodie. L’émotion et la puissance sont au cœur de leur démarche, tout comme l’importance de la scène, considérée comme un espace de libération où les morceaux prennent leur vraie dimension.

Le groupe attache une attention particulière au travail en studio. En 1992, ils enregistrent Mind the Step à La Cour des Miracles à Toulouse, studio reconnu pour la qualité de ses productions alternatives. Ils y développent un son direct, fidèle à leurs performances, sans chercher à lisser les aspérités. Chaque morceau est pensé comme un prolongement de leurs recherches musicales et de leur rapport viscéral au rythme. Madame Bovary se distingue ainsi par une approche artisanale mais rigoureuse, à mille lieues des productions formatées de la pop électronique du moment.

Alors que la scène « underground » française peine à s’imposer, Madame Bovary et le C.A.F.S. défendent l’idée qu’une musique électronique française peut exister hors des sentiers battus, à la fois exigeante, dansante et profondément humaine. Leur discours est celui d’une époque où la technologie musicale s’affirme comme une nouvelle forme d’expression, dans la continuité du rock et de la cold wave. Les guitares cèdent la place aux synthés et aux samplers ; la pulsation devient moteur, le son devient matière.

En 1992, Madame Bovary prépare une tournée européenne, passant par l’Espagne, le Portugal, la Belgique et la France. Ils participent aussi au festival L.I.G.H.T. de Barcelone et partagent l’affiche avec d’autres formations issues de la même galaxie toulousaine. Leur ambition reste simple : faire danser, émouvoir, et montrer que la musique électronique peut être à la fois physique et sensible. Le groupe et son environnement collectif incarnent l’un des derniers grands élans de la scène new wave française avant que les années 90 ne basculent vers la techno et la musique club.

Madame Bovary, c’est finalement l’histoire d’un trio qui a su marier rigueur rythmique et intensité émotionnelle, tout en contribuant à poser les bases d’une véritable scène électro indépendante en France. Une histoire discrète, mais essentielle, qui rappelle combien la périphérie — ici Toulouse — a souvent été un foyer d’expérimentation et d’invention musicale.

La face B de Madame Bovary

 Voici "I'm Runner" la face B du premier single des Madame Bovary toulousains.