Another Dream

Another Dream fait partie de ces groupes britanniques dont il ne reste presque rien, sinon un unique 7 pouces et quelques traces disséminées dans la mémoire des collectionneurs. Sorti en 1982 sur The Sticky Label, un micro-label lui aussi largement oublié, leur single Forever In Darkness est un parfait témoin de cette période où la new-wave et le post-punk continuaient de se diffuser dans tout le Royaume-Uni, souvent loin des circuits établis. Le disque, référencé Peel-Off 2, contient deux morceaux, la face A éponyme et “Human Life” en face B. L’objet lui-même, aujourd’hui assez rare, circule encore de main en main, accompagné parfois d’une petite feuille intérieure qui confirme le line-up : Neal Cook au chant, Dave Atherton à la guitare, Pete Morton à la basse et Gary Morton à la batterie.

Ce qui frappe, lorsqu’on écoute Forever In Darkness, c’est cette façon très locale mais très typée de s’inscrire dans le son de 1982 : une mélodie sombre, une basse ronde mais en avant, une guitare un peu nerveuse, et cette production dépouillée qui évoque aussitôt les studios modestes, les sessions rapides, les moyens limités mais l’envie intacte. F.S.R. Studios, où le groupe a enregistré et mixé, n’est pas resté dans les annales, mais il suffit d’une écoute pour comprendre le contexte : un moment où la scène indépendante britannique produisait chaque semaine des disques faits avec trois bouts de ficelle et beaucoup de conviction.

Les rares mentions du groupe situent Another Dream du côté de Wolverhampton, et certaines sources amateurs suggèrent que Neal Cook et Dave Atherton auraient ensuite rejoint The Wild Flowers, autre formation post-punk de la région. Impossible pour l’instant d’en être certain faute d’interviews ou d’archives plus solides, mais les trajectoires musicales de l’époque étaient suffisamment mouvantes pour que l’hypothèse tienne debout. En tout cas, aucune interview connue, aucune apparition répertoriée dans la presse nationale, aucun passage radio. Comme beaucoup d’autres, Another Dream semble avoir existé brièvement, juste assez pour presser un single, jouer quelques concerts probablement perdus dans la nuit des pubs locaux, puis disparaître.

C’est précisément ce qui rend ce disque si fascinant. Non pas qu’il annonce une révolution, mais parce qu’il capture un fragment entier d’époque : les ambitions modestes, l’énergie brute, l’économie totale de moyens et la sincérité volontaire ou involontaire d’un groupe qui ne soupçonnait probablement pas qu’un jour, plusieurs décennies plus tard, quelques passionnés se mettraient à sa recherche. Forever In Darkness n’est pas un classique oublié, mais c’est un vrai morceau d’histoire parallèle, et c’est exactement pour cela qu’il a sa place ici. Comme tant d’autres témoins minuscules mais précieux de la scène indépendante des années quatre-vingt, il rappelle qu’une grande partie de l’aventure musicale de cette décennie s’est écrite en marge, loin des magazines, via des 45 tours tirés en petite quantité et qui, parfois, surgissent encore aujourd’hui comme des fantômes bienvenus. En tous cas, cela faisait un moment que je n'avais rien publié dans cette veine new-wave british que l'on aime tant (pas très loin des Chaméléons) !